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La Desistence
5 mai 2010

LA DESISTENCE (2)

Avant d’emménager chez Nina, Michael a vécu avec Jacques Menashe dans Brooklyn. Ils ont convenu de produire quinze pages par semaine et de se réunir le samedi pour les lire, quel qu’en soit le degré de réalisation. Jacques venait avec ses quinze pages et les lisait régulièrement ; l’autre n’ayant rien à montrer, ou ne voulant, ne pouvant pas montrer ce qu’il avait, finissait par soumettre toutes les erreurs et limitations du pauvre Jacques à une critique impitoyable.

 

A force de s’engueuler et d’en venir aux mains, Jacques et Michael ont dû changer de trottoir sur l’avenue dans Brooklyn, et continuer de marcher pendant des dizaines de blocks dans la même direction.

 

C’est Jacques qui a introduit Michael auprès de Nina. Jacques a les manières qui conviennent avec les femmes. Et aussi avec les hommes qui l’intéressent pour une raison ou pour une autre. Luc donne plusieurs descriptions de Jacques. Il dit quelque part : « Jacques porte la complexité du métissage juif sur son visage : ses parents sont nés en Afrique du Nord, ils émigrent sur Paris après la guerre, grandissent dans Paris, puis émigrent de nouveau sur la Floride, Fort Lauderdale, où ils se marient et où est né Jacques. Jacques peut jouer les hommes simples et directs, et rendre son visage avenant, alors qu’il est retors et finaud. Un homme agréable à voir et qui en frapperait plus d’un par sa beauté s’il n’était de taille modeste…

 

« Jacques parle un français des rues assez potable : ‘Alors mon vieux, comment ça va…’ On dirait un titi parisien… Ses parents parlaient ouvertement le français à la maison. Ils pleuraient, chantaient et s’aimaient en français. Au contraire, Michael, qui parle si peu de lui, des siens et de son enfance, m’a avoué que les Lagrange se cachaient de leur marmaille pour parler leur français du Québec. Michael ne s’exprime pas ainsi mais ce devait être un français (de) pauvre. Et voilà  la vraie raison pour laquelle ça s’est si mal passé à Brown University : Michael n’était que le fils d’un sous-officier et d'une... d'une rien du tout. »

 

« Toujours est-il que c’est en français qu’entre eux, le père sergent et la mère Lagrange décidaient en cachette des punitions. C’était la langue des pires secrets. Michael est incapable de parler le français, malgré son nom. Incapable n’est pas le mot. Il ne veut pas parler les langues étrangères. Son allemand conceptuel est assez riche, pense-t-il, puisqu'il connaît en français des expressions utilisées par Lacan ou Derrida, et ce spécialiste du processus victimaire que fut Robert Gérard. Parler une langue étrangère exposerait Michael à retourner en enfance, à balbutier comme un bébé pendant quelques années, puis à ne jamais avoir l’intonation, l’accent, l’expression parfaite aux lèvres…»

 

Michael hésita longtemps avant de présenter Jacques à Luc. Michael était jaloux de ses amis. Il sentait bien que la juiverie et la francité, deux, comment dire, sphères, éléments qui le fascinaient parce qu’ils lui échappaient, rapprocheraient au contraire Jacques de Luc, et qui sait, à ses dépens. Et de fait, Luc raconte comment en voyant Jacques la première fois, il pensa rencontrer un lointain cousin, quelque Frumm rescapé de ce côté des choses.

 

N’empêche que Jacques et Luc ne se voient pas autant que Michael et Luc ou Michael et Jacques. Ils vont sans doute très rarement tous les trois recevoir le vent du large sur la balustrade en face de la Statue.

 

Il y a une longue rivalité entre Jacques et Luc, qui a forcément à voir avec Michael. Ils ont beau passer leur temps à exhiber les faiblesses de leur ami Michael, c’est lui qui fait qu’ils sont trois amis. C’est lui qui en a le plus à dire.

 

Il a beau s’emballer, Michael a une connaissance précise de ce dont il parle. Il est une source unique et intarissable. Luc, qui étudie ferme à la Graduate School, en particulier une littérature anglaise qu’il connaît peu et mal, va devoir beaucoup à Michael puisque c’est Michael qui va lire, relire et corriger pendant plusieurs mois sa dissertation sur The Suicidal Moment in Milton. Le montant de ce travail, ridicule, $350. Dans la culture française dont il vient rien ne le prépare à Paradise Lost, et pourtant Luc est un grand lecteur. Depuis son adolescence, que ce soit de ce côté ou de l’autre de l’Atlantique, il n’a fait à peu près que ça, vivre au crochet de telle ou telle, et lire.

 

Si je m’arrête à ce thème qui semblera peut-être académique ou vieux jeu, au sens dont justement l’Internet et des gens comme les Lagrange nous auraient « libérés », c'est qu'on s’aperçoit à rester auprès de Michael, je veux dire à rechercher ses apparitions dans les notes de ceux qui l’entouraient, qu’il était intéressé par les thèmes de toujours. Il affectionnait les grands textes, aussi canoniques soient-ils. Il revendiquait précisément la reconquête du Canon par les agents, les créateurs, au détriment de ceux qui commentent et en font leur profit.

 

Plus précisément, on s’aperçoit que de la façon dont ils lisaient, en particulier, John Milton, dès le milieu des années 90 Luc et Michael ont en germe toute l’idée de desistence. Simplement, ils ne le savent pas encore.

 

Luc a été frappé par un certain passage et avec la naïveté qui caractérise le néophyte, il se dit qu’il peut voguer loin sur cette page, d’autant que personne ne s’y attarde. 

 

Il y a en effet dans Milton un moment superbe durant lequel Eve, la mère des femmes, est prête à se refuser la vie. Elle est prête à refuser en elle, source de toute vie humaine, la vie. Plus d’une discussion fiévreuse entre Michael et Luc marchant à pas rapides par les rues et les avenues encombrées de downtown et jusque devant la balustrade fouettée par le vent a à voir avec le type de séduction exercée par le Serpent de Milton pendant qu’Eve dort et avant qu’elle ne chute. Puis au réveil, comment il la fait parler ; comment il l’engage dans une conversation intelligente et complexe qui fait penser à Eve qu’elle devrait manger du fruit défendu pour le bien de l’humanité (encore à naître). C’est la seule chose qui ait encore un sens à ses yeux : goûter, faire goûter à son conjoint, lui déciller les yeux à lui aussi.

 

Mieux encore, ce qui retient les deux amis c’est l’espèce de prise de conscience qui envahit l’Eve de Milton après la chute :  elle s’est faite avoir, et par tout le monde, les anges, le Serpent et Dieu inclus. Si elle fut une victime consentante elle ne l’est plus quand elle prend la décision de détruire ce qui la détruit en se détruisant :

 

Let us seek Death, or he not found, supply
With our own hands his office on ourselves;
Why stand we longer shivering under fears;
That show no end but Death, and have the power,
Of many ways to die the shortest choosing,
Destruction with destruction to destroy.

 

Ce moment devient entre eux comme un emblème, un lieu commun. Luc et Michael reviennent à cette résolution qu’elle prend d’en finir au plus vite après avoir compris que manger du fruit de la connaissance la destine, elle, son mari et leur progéniture, à l’enfer. C’est une attitude tragique au plus haut sens du terme. Et cependant, c’est une attitude que personne ne peut revendiquer et défendre. Milton lui-même ne pouvait pas vouloir que la mère de toutes les femmes puisse servir de modèle quand elle est sur le point de se faire hara-kiri. Placée juste après une orgie des sens avec hubby Adam, pour la plupart des miltoniens sérieux cette page du réveil d’Eve après le pêché la montre dans une attitude fausse et insoutenable : nous ne serions pas là pour en parler et le livre n’aurait pas été fini d’écrire si Eve avait poursuivi son idée de chercher un couteau dans la cuisine… D’ailleurs tournez la page et quelques minutes plus tard, Adam lui demande de se calmer et de préserver leur amour, ainsi que leur descendance à venir, même si c’est dans la honte—et Eve accepte de vivre, avec toutes les perspectives d’enfer que cela implique. Elle ne va plus refuser la vie en elle, et comme qui dirait la renvoyer à l’envoyeur. Elle va arrêter de dire : cette vie que vous m’avez donnée et tous ces dons de beauté et de grâce et d’intelligence, non merci, reprenez-les !

 

Luc découvre avec l’aide de Michael une page de la meilleure tradition que personne ne pouvait revendiquer. C’était précisément à leurs yeux la raison pour laquelle il fallait la lire.

 

D’après Luc qui nous raconte les conversations, il y avait comme un parcours du combattant : Michael revenait d’abord au fait que, selon Milton, c’est en plein jour que les anges, d’ordinaire si vigilants, ce sont endormis et ont laissé le Serpent ramper à l’intérieur de l’enceinte de pureté et, à la nuit tombée, jusqu’au lit conjugal où dort toute nue, vulnérable, Eve. Dieu s’est retiré… il s’en lave les mains. Il laisse le mal roder libre au Paradis.

 

Lorsque Luc veut remarquer que cela cadre avec la notion que Dieu ne peut pas intervenir dans le choix que fera Eva, il doit la laisser libre de choisir le mal, Michael intervient : « Oui, c’est ce qu’on a dit pendant des siècles… Libre de se faire sucer l’oreille au milieu de la nuit ! »

 

Il rient. Sur quoi Michael récite quelques vers célèbres. Comment le Serpent transformé en « toad » (crapaud) utilise des ruses pour gonfler l’orgueil de la première femme :

 

He uses his wiles, to reach
The organ of her fancy, and with them forge
Illusions as he list, phantasm and dreams

 

Luc le regarde, admiratif.
« Elle est la parfaite victime, dit Michael, endormie, exposée sans défense (defenseless), sans conscience (unconscious), aux assauts verbaux de Satan, qui lui serine de l’intérieur de la tête combien c’est bien, le goût du fruit, et quelle femme libératrice elle sera quand elle aura secoué l’humanité naissante de son joug, meaning, de sa soumission à un Dieu jaloux puisqu’il défend accès à la connaissance. »
« Satan est le premier féministe, » dit Luc. Ils rient.
« Peut-être, » dit Michael. « Il est surtout le premier à donner un sens à l’interdiction : pourquoi interdire une pomme plutôt qu’une banane ou un kiwi ? Parce que si c’était le kiwi qui était prohibé et qu’un malin vienne poser la question : pourquoi le kiwi et pas la pomme, il recevrait la même réponse… »
« Le même manque de réponse, tu veux dire, » remarque Luc. « Parce que c’est ainsi, mon vieux ! »
« Ouais, c’est ainsi mon vieux. That’s the way it is, old pal ! Il faut bien que quelque chose soit interdit pour marquer la place du respect. N’allez pas plus loin. La référence à la connaissance est pur mirage aux alouettes. Il n’y a rien à connaître dans la pomme sinon le fait que certaines choses sont hors du domaine de la connaissance. Et ça, c’était l’opinion de Milton. »
« Mais ça n’est pas tout à fait ce que Satan fait croire à Eve au milieu de la nuit. »
« Non, en effet, » répond Michael.
« Il lui fait croire qu’elle va planer haut… et de fait, elle va planer !  »

 

Michael et Luc s’époumonent, sont pliés en deux sur le trottoir du boulevard (la 6th Ave) où ils fument un joint. A l’époque New York n’était pas si policé partout.

 

Le joint c’est Luc qui l’a sorti de sa poche. Il se plaint que Michael n’a jamais rien au-delà d’une boîte de tic-tac dans la sienne et de quoi se payer le prochain paquet de cigarettes. Il faut tout lui procurer quand on sort avec Michael.

 

« T’as raison, renchérit Michael, aussitôt que cette Eve et son hubby Adam ont mangé du fruit, ils se payent une de ces orgies des sens, Milton en laisse assez peu à l’imagination—comme seule, dit Milton quelque part, la grande pureté de leurs membres et de leurs nouveaux organes pouvait se le permettre ! Bref ils prennent leur pied (they f...ck like crazy) et mangent et boivent… »

 

«  Remarque que, ajoute Luc, ce n’est pas une affaire de morale, de manger ou pas la pomme, puisque c’est aussi bien et mal d’un côté que de l’autre. Il y a un ver dans la pomme, de toute façon. C’est une affaire de foi. »

 

Michael regarde Luc droit dans les yeux, comme pour dire : « I choose well my friends, right on, man ! right on… »

 

Après s’être gratté une barbe maigre, Michael : « Or il est clair que l’Eve de Milton, celle qui se réveille au lendemain du pêché n’a plus tout à fait la foi. Elle ne croit plus… »
« A quoi ? En quel sens ? »
« Oh non, my friend, elle croit en Dieu… mais elle ne croit pas que le Dieu responsable de leur état dans le soi-disant Paradis soit le bon… »
« Le bon Dieu ? »
« Yes, il y a eu une lutte, there was a fight a long time ago, before time, entre bon et mauvais Eon et c’est le mauvais Eon, le mal intentionné, le mauvais Dieu, celui qui deviendra Satan chez Blake, celui qui voulait créer son monde à lui, pour lui, à sa propre image et satisfaction, son propre moi intéressé et méchant—qui a gagné et qui nous a fait. C’est ainsi que pense Eve durant cette page que tu as bien raison de retenir, Luc. C’est le genre de chose dont se souviendra William Blake…»

 

Luc ne peut pas relancer car il ne connaît pas encore Blake.

 

Ce que voyant, Michael, en bon gagnant, termine la conversation : « Nous sommes manipulés, machinés, yes, programmed, man ! Dieu l’a expliqué au chapitre précédent à son Fils : Eve doit chuter et les hommes tomber sous la morsure du serpent pour que la Théodicée se réalise, pour que le Fils, pour que le Christ vienne ensuite s’embrocher dans la croix qui nous sauve…. Le cycle doit se boucler d’une manière ou d’une autre. Au fond, Dieu s’en fout comment et qui paye les pots cassés du moment que son Fils revient sur la scène en Juge et Vainqueur… Nous sommes enchaînés par une histoire qui nous veut soumis et coupables jusqu'à la fin des temps, et le seul moyen d’en sortir libres et innocents, si on écoute Eve, c’est de Lui rendre ce qu’Il nous a donné : la vie. Et au plus vite : ‘to die the shortest choosing’. Ce sont les mots de la Gnose… »

 

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Luc, dans son journal : « C’est intéressant, la journée passée avec Michael, sauf que Michael parle un peu trop. Il a tout ce temps libre et il veut le remplir de toutes les idées qui l’obsèdent et qu’il ne peut exprimer seul. Il agitait l’air devant nous de ses grands bras tandis que nous marchions à la nuit tombante et alors que j’avais déjà exprimé le désir de prendre le métro pour rentrer seul uptown. A la bouche de métro, les gens se retournant, il m’a montré en décrivant des moulinets ce que fait le Démon de Maxwell quand il redistribue les particules dans un cube d’air. ‘Il sépare le grain de l'ivraie, il trie, il aménage des chambres séparées, le démon, où il met les plus agitées parmi les particules ici et les moins chaudes par là. Ce faisant il dévie la Nature, où tout va se perdant à la fois. Il va à rebours de l’entropie, l’inéluctable tendance à la perte d’énergie. Ou bien, le petit diable au contraire la précipite, cette consumation d’énergie, et sans frein l’accélère, et pour notre plus grand bien… Yes, my friend, without this little devil no Industrial Revolution. Il est dans la machine à vapeur, dans l’électricité... il est dans le computer et la machine à café…’ »

 

Tout cela le déborde, Luc. Il se dit d’ailleurs que parler de science demande un protocole de rigueur dans l’enchaînement logique auquel leur conversation à bâtons rompus ne satisfait pas. Tant qu’on en reste à la littérature et à la théorie, on peut divaguer… mais pas avec la science. Il a d’autant plus de respect pour les sciences exactes qu’il n’y connaît rien.

 

Mais Luc est la rare personne avec laquelle Michael parle théorie. Vice-versa, il a beau se plaindre de Michael, à la Graduate School où il apprend tout au plus à survivre parmi des intellectuels qu’il estime médiocres, Luc ne fait que rendre les papers et empocher les notes, qui sont en général des « A »— grâce à Michael, qui n’écrit pas pour lui mais l’inspire. Luc a besoin de faire ses armes au contact de Michael, qui est, lui, avide de n’importe quoi qu’il puisse remplir de son esprit. Il en a à revendre, des idées. Mais elles sont en lui comme un métal bouillant à qui manque un moule. Il faut que quelqu’un lui tende cette coquille vide.

 

Michael a foutu par-dessus bord les institutions de son pays, il n’existe pas aux impôts… Il n’a pas de docteur attitré, pas de dentiste. Pas d’assurance maladie plus que d’assurance vie… Mais cela ne veut pas dire qu’il soit capable de leur tenir tête, aux systèmes qui l’entourent. Leurs demandes et leurs dictats n’ont pas été remplacés en lui. Il y a un grand vide en lui. Michael Lagrange ne sait pas encore créer. Quand est-ce qu’il apprendra ? Il apprendra, cela ne fait pas de doute, il sera au centre de remous violents et significatifs. Quelle que soit l’opinion qu’on entretienne sur l’homme, il faut le reconnaître.

 

Je m’aperçois que bien qu’il ne raconte rien ou justement parce que Michael n’écrit pas, n’y arrive pas pendant si longtemps, il m’est difficile de faire autrement que Luc, Nina et Jacques à son égard—le défendre.

 

Celle que je comprends le moins dans toute cette histoire, c'est Nina. Comment pouvait-elle tant s'aveugler sur le compte de Michael ? Comme le dira Jacques à Luc un jour en mimant le ton sentencieux de Michael : « Sache, mon vieux, que dans un univers adonné au mal, certains, je ne dis pas toi ou moi, mais certains ont encore besoin de croire que le bien existe quelque part... Et s'ils ne le trouvent pas, ils l'inventent. Ce n'est pas la poutre qu'ils cherchent dans l'oeil du voisin, mais la paille ! »

 

Vers le milieu de 1997, Nina, qui ne sait ou ne veut toujours rien savoir des après-midi avec Deborah, écrit : « Pauvre Michael, je ne peux pas m’empêcher d’éprouver de la pitié pour lui, alors que c’est moi qui vais me payer les dix heures de travail au bureau et lui qui reste assis sur notre lit moelleux, notre doux duvet… Poor Michael ! Il va se retaper un cycle de la Logique de Hegel de la première à la dernière page. Poor Michael est même prêt à apprendre l’allemand, lui si fâché d’ordinaire avec l’apprentissage des idiomes étrangers. Il doit y avoir une logique à tout cela, quoiqu’elle m’échappe comme elle échappe à ses amis… »

 

Quoique aveuglée, Nina ne manque pas d’humour quand elle parle de Michael. Elle aussi est anglaise, moitié, par sa mère, mais surtout ce qu’elle a de différent de Deborah c’est qu’elle n’est pas grande et fine, elle est plutôt petite, carrée et dodue. D’après Luc, son cheveu blond lui tombe sur le front et cache à moitié deux yeux verts pétillants d’intelligence. Les dents de devant sont grandes, et leur écartement visible quand Nina sourit à pleines dents, ce qui lui arrive car elle aime beaucoup rire entre amis.

 

Ceci d’après Luc qui avoue néanmoins qu’il se la serait bien faite, Nina, si elle n’était si dévouée à Michael. Elle est plus dans son gabarit que dans celui de Michael, pretend-il. Luc est du genre brun taciturne, taille moyenne, râblé, à la peau sombre. Peut-être plait-il à Nina, qui aime bien aussi parler francais avec Luc et échanger des propos plus terre-à-terre, moins hauts perchés dans les aigus de l'esprit qu'avec Michael. Mais Nina ne pourrait pas trahir Michael. Elle a trop de respect pour lui.

 

« Michael est l'homme le plus dévoué à ses idées que j'ai jamais connu », écrit-elle. « Nous sommes tous à tirer avantage de ce que nous apprenons, à nous immiscer et nous mettre, quand l'occasion se présente, en haut du panier (on top of the heap); pas Michael. Il se sacrifie pour comprendre...»

 

Nina explique un soir à Luc et Michael (qui connaît déjà cette histoire et, pour signifier l'ennui, met sa main devant la bouche) que son père a perdu beaucoup d’argent dans le crack pétrolier de 1973, mais au moins qu’il a sauvé quelque chose de magnifique de leur fortune d’avant en achetant une petite île au large de la Norvège. Quand sa sœur et son mari, qui habitent l’île, ont racheté les parts des autres, Nina s’est retrouvée avec un pécule et elle a décidé de se payer un an à Yale, deux semestres à lire les grands classiques anglais sous la direction des meilleurs professeurs.

 

Luc admire ce genre de femmes. Il est choqué de voir la réaction de Michael qui, derrière Nina, se moque d’elle. Les grimaces de Michael paraissent cruelles à Luc.  On a bien le droit de jouer le jeu et de tirer avantage des institutions quand on peut. Ce n’est pas parce que Michael en est incapable qu’on doit tous l’être.

 

Michael parle exagérément mal des professeurs. L’ironie n’en échappe pas à Luc que lui-même est en train de devenir un professeur grâce aux aperçus de Michael, grâce aux promenades jusqu’à Battery Park et la Statue, auxquelles ils restent fidèles jusqu’au moment en 2000 où Michael quitte New York. Michael décrit les académiques comme une race de sangsues, des vampires faibles, anémiques et sans vie, forcés d’emprunter le sang chaleureux de ceux qui, vivants, surent mieux vivre et penser qu’eux. Manifestement cette division entre vivants et non-vivants convient à Michael, qui lui, marche sur l'eau, écrit sans rien écrire, mais vit chaque journée, chaque nuit intensément.

 

Allongé nu à quelques centimètres de Nina dont le corps ne l’intéresse pas, il lui prend la main, et Nina se dit que s’il lui refuse ce corps qu’elle adore—pas un gramme de graisse, les muscles longs et clean—au moins lui donne-t-il quelque chose d’autre, ce qui lui tient le plus à cœur. En effet, Michael lui retrace ce qu’il a fait au début de la journée, sa matinée studieuse. Comment il a enfin compris les dernières étapes, les plus abstraites et les plus éprouvantes pour l’esprit, de la Phénoménologie de Hegel, la triade jusqu’alors impénétrable pour lui, de l’Art, la Religion et la Philosophie. 

 

Qu’est ce qu’il a compris ? Nina ne semble pas capable de l’expliquer à son tour. Elle se contente d’écrire : « Un jour le démon qui l’empêche de boucler sa Demonology se fatiguera et Michael nous émerveillera tous, y compris ses détracteurs ! »

 

Je sais qu’elle plaisante, mais quels détracteurs ? Jacques et Luc ?

 

……………………………………………………………………

 

Jacques remarque : « Hier Michael m’a dit qu’il faisait un très bon Bob Dylan (he plays a real good Bob Dylan) ! C’est là où en est l’homme dont on attendait la grande œuvre de pensée, le livre de tous les livres, celui qui change la donne à la fin du XXème siècle. L’homme vous joue un Bob Dylan décent ! »

 

On ?  Qui ? Lui-même, Luc et Nina, ça suffit pour faire « on » ? Jacques n’est si en colère contre lui que parce qu’il croit encore en Michael. Il en attend, comme Luc et Nina, l’improbable.

 

Après la révélation du diplomate, Jacques et Luc savent que Michael ne fait que précipiter le désastre de sa vie en poursuivant Deborah. Et de fait, à la fin des années new-yorkaises il y a cet épisode lamentable : Michael va en Angleterre et assiste au mariage de Deborah avec le diplomate. Michael qui ne voyage jamais va incognito roder autour de la cérémonie dans la banlieue de Londres. Puis, il semble d’après ce que Jacques et Luc arrivent ensuite à reconstituer que Michael hirsute, ahuri, fumant son paquet en dix minutes, ait fait irruption dans la soirée du mariage où il n’était pas invité. Pour dire quelque chose à Deborah habillée de blanc, quelque chose qui lui est sorti complètement à côté de la circonstance, loufoque et gênant. Il aura voulu faire le chevaleresque et « céder » Deborah à l’Anglais en bon perdant. Il s’est fait ramasser. L’Anglais n’a rien eu à dire ou faire, Deborah en personne l’a fait jeter dehors, et sans trop de ménagement. Ce qui a achevé de sortir Michael de ses gonds. Il aurait pu se retrouver dans les mains de la police ou de quelque psychiatre, dans l’état où il était…

 

Il voulait que l’Anglais sache. Qu’est ce que l’Anglais en aura conclu ?  L’irruption de Michael ne semble pas avoir ruiné l’occasion.

 

Pas grand chose du côté de Deborah sur cet incident, pourtant brutal et choquant. Sauf pour dire d’une phrase lapidaire que Michael était fou furieux et qu’elle est inquiète pour sa santé mentale et physique…

 

Michael retourne dans New York et ne voit ni Jacques ni Luc pendant trois mois. Qu’a-t-il été raconter à Nina ? Celle-ci ne fait mention du voyage que pour parler d’une conférence de poètes dans Londres où Michael aurait été convié à lire ses vers de quinze pieds. Fallait qu’il aille aussi loin pour trouver une conférence de poètes qui entendent ses vers de quinze pieds ? En effet, Michael lui dit qu’il remplit maintenant ses carnets avec un large poème épique dont il ne voit pas la fin. Une saga, digne des Celtes ou des Huns. Une histoire, digne des deux livres du Paradis Perdu et du Paradis Retrouvé… « Wouah ! » s’exclame Nina. Il lui lit quelques lignes, qui sont pleines de ressources mais la laissent froide et confuse car elles évoquent sans méprise possible l’insistance brutale d’une pulsion sexuelle qui lui échappe, à Nina. Elle le dit dans son log. Elle est mal à l’aise devant ce que Michael écrit parfois. La bouche qu’il tord quand il ulule ses syllabes sibyllines et ses allitérations outrées.

 

Néanmoins : comment a-t-il bien pu convaincre Nina de rester dans New York et de rater ainsi la chance inouïe de voir Michael briller en Angleterre, là d’où elle vient ? 

 

Les a-t-il même lus dans Londres, ces vers de quinze pieds à la charge sexuelle insupportable ?

 

Je n’ai pas de réponse à ces questions. Etonnant ce qu’on trouve et encore plus ce qu’on ne trouve pas quand on lit ce que les gens confient à l’intimité de leur ordinateur.

 

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Deborah dit des choses très dures concernant Michael autour de l’épisode de la mort de Doug Jenson, un jeune homme de vingt ans qui vendait aussi parfois au Griffith Bookstore. Productif celui-là puisqu’il publiait des articles dans des revues à propos d’évènements survenus à Belize, en Irak ou au Tibet, où il n’avait pas mis les pieds. Et à la fois, il est clair que Doug est un jeune homme excessif, encore plus excessif que Michael, qui se met à chercher la compagnie de Doug après que Jacques et Luc lui aient  tant soit peu tourné le dos... Approchant la quarantaine, Michael aimait à s’entourer de jeunesse de façon, probablement, à revivre la sienne une fois de plus ; mais il était surtout séduit par l’intelligence de Doug.

 

Ils allaient au National, un dive, un bar coupe-gorge sur l’Avenue A et 10th Street. Les murs couverts d’épaisseurs de saleté vibraient sous le bruit et comme suintaient de douleur. Sur le devant metal music à tout va, mais derrière il y avait un jardin agréable, de jolis tables espacées dans le gravier, personne n’y regardait à ce qui se passait dans le jardin entouré de hauts murs couverts de lierre. Le lieu avait des allures d’exclusivité, fallait connaître.

 

On y faisait ce qu’on voulait dans ce jardin. Les hommes et les femmes se retiraient discrètement dans les coins. On ne voyait pas les étoiles dans la nuit noire car elles sont difficiles à voir dans Manhattan, mais on y sentait la nuit descendre. Luc se rappelle y avoir fumé du hashish tout en buvant du meilleur vin, puis de l’armagnac à une table où était assis Deborah et Doug, qui semblait très proche d’elle, autant et sinon plus que Michael. Et comme il était très jeune, naïvement en pamoison devant Deborah, qui, pourtant, n’impressionna pas Luc, et encore moins Jacques. Deborah était la reine de ce cénacle, où Luc ne se rappelle pas qu’on dise quoique ce soit de significatif. On y passait un bon moment, cependant. Au fort de la défonce Michael s’essayait encore à parler pour dire des choses qui aient un sens. Des cigares, des joints et des flasques circulaient entre les tables, parfois des fleurs ou du chocolat. Personne n’écoutait Michael qui était pourtant en verve. Doug, lui, buvait et fumait plus que tout le monde, et parlait autant et sinon plus que Michael, qui n’était plus le centre de la conversation.

 

D’autant que Doug ne cherchait pas à établir des arguments très compliqués. Il parlait musique, voyages et pays étrangers où il rêvait d’aller…

 

Ensuite, quand Michael revient de son court voyage en Angleterre, il se passe quelque chose entre Doug et Michael qu’il est difficile d’expliquer, de justifier, mais pas impossible de décrire.

 

Doug aussi souffrait du départ de Deborah, autant et plus que Michael peut-être. Ils ont dû compatir et se lamenter ensemble au National, où ils ont beaucoup bu et fumé. Et il faut croire que cette fois une pipe de crack aussi circulait entre les tables. Doug en a fumé, peut-être pas Michael ; moins Michael que Doug. Toujours est-il qu’au retour Doug s’est senti mal.

 

Mais il s’est récupéré quand ils ont fumé et bu un bon vin blanc de la Californie—d’après Michael que le racontera ainsi à Nina. Vers 2 heures 30, Michael a laissé Doug pour rentrer chez lui ; il s’allonge auprès de Nina à 3 heures du matin.

 

Mais là il se passe quelque chose en lui car vers 5 heures 30 Michael se réveille sans réveiller Nina, s’habille en catimini et fait le chemin inverse, celui qui le ramène chez Doug. Il y a un bon mile urbain entre Waverly Place et East Broadway, c’est pas juste au coin de la rue.

 

Comment entre-t-il chez Doug ? Il sait que la porte de l’immeuble n’est pas fermée, vu que c’est un de ces rares immeubles encore délabrés du Lower East Side, tout croulant et couvert de graffiti. Quant à la porte de l’appartement de Doug, ce dernier n’était pas en état de penser à la fermer après que Michael soit sorti à 2 heures 30 du matin.

 

En quel état était-il donc, Doug ? Comment expliquer que Michael soit ensuite envahi d’un sentiment de remords assez fort pour le ramener chez Doug à l’aube d’une nuit de débauche extrême...

 

Nina : «  Michael m’a raconté ce midi comment il a trouvé Doug à 6 heures du matin, allongé à plat sur son futon à même le sol, la tête tordue dans le coint, mort dans son vomi. Je ne suis pas la première, Dieu merci, à qui il ait raconté cela. Il a tout de suite appelé la police. Il s’est montré admirable en recevant les parents et en leur expliquant le peu qu’ils pouvaient comprendre de la vie de leur fils… sans mentionner le National, je suppose. Il a répété à la police dix fois la même chose sans broncher…»

 

Toujours si naïve, Nina. Je n'arriverais pas à en faire un personnage de roman si je voulais, de celle-là. Elle qu'on doit imaginer plutôt cultivée et pleine d'esprit, manquait d'épaisseur dès qu'il s'agissait de Michael. Elle n'avait pas de recours, retournait en enfance... C'est comme ça, faut-il croire, quand on aime quelqu'un inconditionnellement. Elle et Deborah vont bientôt disparaître de la vie de Michael, ce n'est donc sans doute pas la peine de chercher à mieux les comprendre...

 

Admirable certes l'attitude de Michael avec l'entourage de Doug et les autorités, mais on peut continuer à se demander pourquoi il est revenu ainsi sur ses pas pour trouver Doug mort. Il a raconté à la police qu’il est revenu comme c’était convenu avec Doug très tôt pour jouer de la musique. Doug aussi jouait de la guitare et il leur arrivait d’essayer de chanter ensemble. Nina mentionne Michael tout excité mais aussi frustré après avoir passé une après-midi avec Doug à essayer de chanter ensemble. Personne ne nous dit si leur chant achevait quelque effet de beauté.

 

Il reste que Michael a menti à la police en disant qu’il était rentré de chez Doug à 1 heure du matin. C’est au moins deux heures plus tôt que le témoignage de Nina ne l'établit. Nina n’a aucune raison de mentir.

 

Or la police le croit, Michael n’est jamais considéré comme suspect de quoique ce soit. La mort de Doug endormi dans son vomi est un accident malheureux, mort involontaire. Ce n’est pas même un suicide…

 

Si je mentionne ces détails c’est que Deborah attaque Michael après la mort de Doug :
« Big brother brought younger brother to the brink. C’est Michael qui a poussé Doug au bord du gouffre. C’est l’esprit compétitif de Michael qui a amené Doug à se défoncer plus que son jeune âge ne le lui permettait. Peut-être que lui et Michael en ont prit autant, des bonbons dans la bonbonnière (cooky-jar)… Doug aimait éblouir par ses prouesses, aucun doute. Mais Michael savait que Doug allait trop loin. Michael, lui, a le cuir dur et vieux ; Doug était plus doux et plus faible…

 

« J’ai trouvé les faits sur l’Internet… I wouldn’t know how to go about it. Je n’essayerai pas d’en faire quoique ce soit mais je pense que Michael a à voir (he's got to do one way or another) avec la mort de Doug. He’s got something to do with it.  Peut-être qu’avant de rentrer à 1 heure du matin ils se sont bagarrés (they had a fight) ainsi que je leur ai vu faire souvent après le shift à l’Annex. Comme deux frères, en s’amusant. Having fun… N’était que Michael ne peut pas perdre, il ne peut pas se bagarrer avec un plus jeune pour s’amuser. Il doit gagner à n’importe quel prix, l’amitié en payant justement le prix. Et cette fois pire, qui saura jamais… » Plus loin: « Depuis que Michael est venu nous rôder autour au mariage je m’attends au pire de sa part… Quelle erreur! Je n'arrive pas à m'expliquer comment j'ai pu aimer cet homme, il n'a pas de colonne vertébrale...  ça devait être le désir idiot chez moi de prolonger l'adolescence ! Et le risque, oh! oui, j'oubliais, ce bon vieux goût du risque ! L'homme qui me parlait de John Milton et William Blake comme s'il les avait rencontrés en personne dans la journée serait allé, aux dernières nouvelles, se réfugier chez sa mère ! »

 

Ne pas garder dans la version finale, mais quelle salope, cette Deborah ! Pire qu'un homme... Quoiqu'il en soit, elle ne semble pas avoir appris qu’en fait Michael était resté à prendre des drogues et boire avec Doug jusqu’à 2 heures 30… De quoi a-t-il eu peur à 5 heures 30 ? Qu’est-ce qui l’a empêché de dormir ? Qu’est-ce qui l’a forcé à revenir sur ses pas ? S’étaient-ils bagarrés comme deux frères chez Doug ? Jusqu’à ce que Michael le pousse, par exemple, dans ce coin du mur où il dit que le cou de Doug était tordu.

 

Il ne me semble pas possible d’admettre que Michael ait vu Doug mort avant de s’en aller, puis qu’il soit revenu sur ses pas afin d’éliminer ses traces un peu partout chez Doug avant d’appeler la police. Michael n’était pas un tueur. Simplement, il se sera rendu compte un peu trop tard des résultats possibles de leur lutte sur Doug, et il se sera inquiété…

 

Après que Luc ait invité ses amis à profiter des installations sportives à City College, il mentionne aussi qu’il est très désagréable, sinon impossible de jouer au racketball avec Michael, qui est pire qu’un adolescent et n’a de cesse d’avoir aplati son adversaire, que ce soit Jacques ou lui-même. Il est vrai qu’ils ne jouaient pas à la racket dans cette chambre de Doug que personne ne nous décrit. Quelque chose n’aura pas passé dans la chanson qu’ils essayaient de chanter.

 

Je n’ai aucune preuve de l’implication de Michael. L’épisode avec Doug n’est sans doute pas nécessaire et je devrais le retirer de ce dossier…

 

A moins que je ne puisse établir le rapport entre l’homme qui  répéta doucement dans son microphone d’ordinateur : «  Rappelez-vous de Sénèque et de Marc Aurèle, ne vous attachez à rien, laissez glisser les gens et les choses sur vous comme l’air et l’eau le font sur votre corps… c’est la meilleure forme de résistance, car alors, vous n’offrez aucun point tendre par où vous agripper et vous retenir…» —et le même Michael Lagrange qui risquera un accident d’envergure dans un des plus grands aéroports de la planète.

 

Ce que, il semblerait, son meilleur ami, Luc Frumm, ne lui pardonnera pas.

 

Avec le Michael au nom duquel des jeunes et des moins jeunes iront s’exploser dans des lieux publics. Sans aucun motif, ni politique, ni idéologique, ni même religieux, juste pour rendre leur chair aux éléments. Juste pour envenimer les choses dans un monde qui va nulle part et y laisser leur marque. Globules blancs, globules rouges et cellules grises : tout rendre une bonne fois au mal qui les a engendrés, comme disait Michael en citant des passages de John Milton tirés dans son sens.

 

Se réunir avec plus grand que soi… Celui qui vous précède et dont vous n’étiez qu’une partie… des idées que Michael prenait à William Blake et tournait vers la desistence.

 

Invocant les dits fameux de Michael, ils se mettront dans les amphi d’université, dans les jardins publics, les stations de métro... et sans appartenir à aucune organisation, d’ailleurs plutôt bien éduqués, le mot souvent heureux aux lèvres, la peau blanche et tendre, ils appuieront sur leur portable et se liquéfieront sur place. Non sans rappeler, au dire des témoins, les robots dans les films de Schwarzenegger.  Liquéfiés sans laisser aucun reste ni aucune trace, mais non sans mettre leur formule à la portée de qui voudrait chercher sur l’Internet.

 

Et cependant, en même temps, il y eut aussi le Michael Lagrange qui se contenta de gérer poliment, oui, patiemment, les corridors de son célèbre site, tout en jetant son bois dans le feu nourri de débats théologiques dignes de Dunn Scott le scholastique.

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La Desistence
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